Les maladies rénales sont malheureusement fréquentes chez le chat.
Les reins, tout comme chez l’Homme, assurent de nombreuses fonctions au sein de l’organisme : filtration du sang pour l’élimination de nombreux toxines et déchets, maintien des équilibres hydro-électrolytiques, synthèse de certaines hormones impliquées dans la formation des globules rouges, les concentrations plasmatiques en Calcium et en Phosphore, contrôle de la pression artérielle sanguine.
Les reins sont donc constitués d’un ensemble de sous unités de filtration, « les néphrons » qui, si ils sont détruits, ne peuvent être remplacés.
Toute atteinte rénale induit donc une perturbation de ces fonctions essentielles et un ensemble de modifications biologiques qui doivent être recherchées et corrigées.
L’atteinte rénale, selon sa cause, peut être aigüe ou chronique, et une atteinte aigüe peut devenir également chronique si les dommages sont sévères et irréversibles.
Aussi c’est une maladie sérieuse et fréquente (environ 16 % des chats âgés souffrent de maladie rénale chronique) dont le pronostic est nettement amélioré par une détection et prise en charge précoces.
La maladie rénale correspond à une atteinte d’un ou des 2 reins d’origine héréditaire (ex : la maladie polykystique du Persan, Maine Coon, Brittish Shorthair…), congénitale (malformation acquise dès la naissance mais non héréditaire) ou acquise (intoxication, infection, inflammation, infiltration par une substance, des cellules cancéreuses, maladie dysimmunitaire, ischémie, métabolique…) n’entrainant pas encore de dysfonctionnement rénal en raison de la persistance d’unités de filtration fonctionnelles suffisantes.
L’insuffisance rénale apparaît, elle, lorsque les capacités de filtration des tubules rénaux sont dépassées. C’est souvent à ce stade qu’elle s’exprime cliniquement.
Quelque soit l’âge, une insuffisance rénale peut s’exprimer par :
– une augmentation précoce de la prise d’eau et celle de la fréquence et/ou du volume des urines qui dans ce cas sont en générale très claires
On parle de syndrome polyuro-polydypsique ou PUPD
– des troubles digestifs (vomissement, diarrhée) ponctuels ou récurrents
– une perte anormale de poids ou une absence de prise de poids
– un appétit capricieux ou une perte totale d’appétit
– un abattement ou une fatigue plus ou moins marqués
– une mauvaise haleine (liée à l’augmentation de l’urémie)
– un poil terne et sec, voire une décoloration du pelage
– présence de sang dans les urines
Idéalement, la manifestation d’un des symptômes évoqués ci dessus devrait inciter à évaluer la fonction rénale car nous disposons désormais de plusieurs moyens diagnostiques de cette maladie :
– La prise de sang avec dosage de marqueurs plus ou moins précoces du dysfonctionnement rénal : classiquement l’évaluation de l’urémie et de la créatininémie (75 % d’atteinte des 2 reins) qui restent des marqueurs tardifs ; dosage de la Symmetric DiMethyl Arginine ou SDMA désormais disponible et plus précoce, qui augmente dès que 40 % de la fonction rénale est atteinte.
Ainsi il est désormais possible de suspecter une maladie rénale AVANT le développement d’une Insuffisance rénale !
– L’analyse urinaire : permet de mettre en évidence une diminution de la densité urinaire qui, associée à l’élévation des valeurs rénales ou en présence de déshydratation, sont fortement évocateurs d’une anomalie de fonctionnement rénal.
L’analyse peut également mettre en évidence des modifications évocatrices de souffrance rénale (présence de protéines, de cylindres, de glucose…) ou de complications (infection bactérienne, présence de cristaux (calculs)…)
– L’imagerie : la radiographie (particulièrement en présence de calculs) mais aussi et surtout l’échographie rénale et des voies urinaires permettent dévaluer la taille, la forme et la structure interne des reins, des uretères, de la vessie, de l’urètre et chez les mâles de la prostate, devant être systématiquement évalués dans ces affections.
Elle permet de confirmer ou d’affiner le diagnostic et d’adapter au mieux le traitement.
– La mesure de la pression artérielle : une hypertension peut être également un signe d’appel dans la recherche d’un dysfonctionnement rénal et doit être recherchée en cas de pathologie rénale avérée car peut avoir de graves conséquences (perte de la vision, AVC, maladie cardiaque …)
Toute lésion d’un « néphron » est en général définitive et irréversible.
Lorsque certains néphrons sont atteints, les autres prennent le relai et tentent de palier au déficit mais cela n’est pas sans conséquences sur leur propre fonctionnement ni sur leur propre capacité à assurer au final leur fonction.
Ainsi en découlera un déséquilibre des principales fonctions rénales qui seront autant de « marqueurs » de la maladie.
On pourra noter un manque de capacité de concentration urinaire (et une baisse de la densité), une perte possible de certaines protéines plasmatiques (albumine, antithrombine…) pouvant engendrer des oedèmes, des épanchements ou des accidents thombotiques, une hyperphosphorémie, une hypo ou hypercalcémie, une hyper ou hypokaliémie, une anémie, une hypertension artérielle.
Ces modifications peuvent avoir des conséquences sur son bien être et devront être évaluées en cas de détection de la maladie afin d’être corrigées dans la mesure du possible.
La cause de la maladie rénale doit si possible être recherchée.
Elle permet de savoir si l’atteinte est aigue ou chronique et d’affiner le pronostic et la prise en charge.
On pourra ainsi rechercher une cause toxique (plantes, éthylène glycol…), infectieuse (infection bactérienne des voies urinaires, virale (PIF, FIV, FeLV…)), une maladie autoimmune, une tumeur, …
Malheureusement, le plus souvent, nous serons confrontés à une maladie chronique dont la cause primaire ne pourra être identifiée.
Néanmoins la sévérité de la maladie rénale sera appréciée et le traitement adapté.
Une fois le diagnostic posé et en cas de maladie chronique, des visites de contrôles régulières chez le vétérinaire sont fortement conseillées.
Un suivi clinique avec une surveillance du poids et de l’appétit est essentiel.
A ces occasions pourrons être réalisées certaines analyses :
– Hémogramme à la recherche d’une anémie
– Dosages biochimiques : urémie, créatininémie, phosphorémie, calcémie, évaluation du ionogramme et de l’équilibre acido-basique plasmatique
– Analyses urinaires : recherche de bactéries, de cristaux, de cylindres, de protéinurie
– Mesure de la pression artérielle systémique
– Suivi échographique surtout en la présence d’une obtsruction des voies urinaires ou de calculs
L’alimentation peut nettement impacter sur la santé rénale de nos compagnons.
Des aliments de mauvaise qualité, trop riches en minéraux ou dont la qualité des apports protéiques est mauvaise sont autant de facteurs pouvant impacter sur les capacités de filtration rénale.
Le mode de vie de nos chats peut favoriser l’exposition à certains toxiques (accès extérieur) ou maladies infectieuses.
L’usage de certaines molécules (anti-inflamatoires, certains antibiotiques, antifongiques, anesthésiques, chimiothérapie…) peut impacter le fonctionnement rénal et leur emploi répété ou sur de longues périodes doivent faire l’objet d’une surveillance accrue.
Certains chats présentant un dysfonctionnement encore inconnu pourront également « révéler » leur insuffisance rénale à la suite de l’usage des ces molécules qui devront dans ce cas être évitées.
Toutes causes de déshydratation ou d’hypotension peut révéler une insuffisance rénale (chaleur, diarrhées chroniques, perte d’appétit persistante, stress, anesthésie…).
Certaines races sont connues désormais pour leurs prédispositions génétiques au développement de certaines affections (tableau 1).
Tableau 1 : Les races félines à risque démontrées
Race |
Maladie rénale héréditaire |
Abyssin |
Amyloïdose rénale |
Himalayen |
Urolithiases à oxalate de calcium |
Persan |
Maladie rénale polykystique |
Le traitement n’est pas curatif (sauf rare cas d’infection aigue traitée précocement) mais cherche à améliorer le confort de vie de l’animal et ralentir l’évolution de la maladie.
Des mesures hygiéniques avec l’apport d’une alimentation humide et sèche spécifiques sont la première ligne de prise en charge au long cours de la maladie.
Ces aliments sont spécialement conçus en teneur protéique et en minéraux pour éviter la perte de poids caractérisant la maladie, et l’aggravation des déséquilibres ioniques et phosphocalciques associés.
Le maintien d’une bonne hydratation est fondamental car ces chats sont le plus souvent déshydratés, ce qui a pour conséquence d’auto-aggraver le dysfonctionnement rénal et l’expression de la maladie. Une fluidothérapie (apport de solutés isotoniques en intraveineux) devra ainsi être initiée au cours d’une hospitalisation plus ou moins longue dans les cas les plus sévères et permettra également de corriger un déséquilibre ionique ou acido-basique.
Une réhydratation régulière en sous cutané est également possible et a montré son bénéfice dans les cas plus chronique et modérés.
Des molécules tels que les IECA (Inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine) ou dernièrement les Sartans sont indiqués dans les premiers stades de la maladie chronique et visent à ralentir la dégradation des néphrons et l’auto aggravation de certains lésions. Ils participent aussi pour partie à la gestion de l’hypertension artérielle.
Certains chats hypertendus nécessiteront également l’ajout d’une molécule hypotensive (amlodipine) de dosage modulé en fonction des contrôles.
Certains traitement adjuvants (anti-nauséeux, facteurs d’appétence, anti acides, hypophosphorémiant, supplémentation en potassium , phytothérapie, vitamines …) pourront également être utilisés à plus ou moins long terme en fonction de chaque chat et des résultats de leurs analyses de contrôle afin de contrôler au mieux les différents déséquilibres.
La prise en charge de l’anémie reste possible mais délicate car l’emploi d’EPO (erythropoiétine impliquée dans la synthèse des globules rouges) reste relative (coût, accessibilité, perte d’efficacité au fil de son utilisation) ou la réalisation de transfusion sanguine demeurent des traitement lourds chez un animal déjà en phase avancée de la maladie.
Si il est toujours fortement recommandé de réaliser un bilan sanguin à minima à partir de l’âge de 10 ans, un dépistage plus précoce est désormais recommandé et possible grâce aux techniques dont nous disposons (analyse d’urine, dosage du SDMA, échographie).
Toute race féline prédisposée devrait être suivie et surveillée depuis le plus jeune âge et ses propriétaires sensibilisés à ce sujet car plus la maladie est prise en charge tôt, plus l’espérance de vie de nos félins atteints augmente.
Tout chat ayant une prise de boisson ou un volume urinaire augmentés doivent également être contrôlés.
Enfin n’hésitez pas à consulter votre vétérinaire et faire dépister votre chat si la question d’une atteinte rénale vous préoccupe.
Cela ne sera jamais excessif et il vaut toujours mieux prévenir que traiter dans l’urgence.